Ça y est, c'est parti. La plupart des équipes n'ont pas encore foulé le sol allemand, les ouvriers n'ont pas mis la touche finale aux travaux du métro et les publicitaires ont encore quelques affiches géantes à coller, mais la Coupe du monde est bien lancée. Vendredi, Berlin a testé son premier grand rassemblement populaire en inaugurant, en grande pompe, sa nouvelle "Hauptbahnhof" : la plus grande gare d'Europe. Le gigantesque spectacle sons et lumières, fait de projections vidéos, lasers et feux d'artifices, a réuni 500 000 spectateurs. L'événement est symbolique, au-delà du record de taille et de budget (700 millions d'euros pour le chantier) : C'est la première fois que Berlin se dote d'une gare centrale. Jusqu'ici il y en avait encore deux. Une à l'Est, l'autre à l'Ouest.
Pour la première fois, j'ai vu un métro plein. Même plusieurs. Puisque tous les Berlinois voulaient se rendre, au même moment, sur le lieu de la fête. Pendant trois heures, j'ai vu un flux continu, une foule dense se déverser sur la pelouse qui sépare les bureaux de la chancellerie allemande et le nouvel édifice ferroviaire. D'habitude, Berlin, six fois plus grand que Paris en superficie pour seulement trois millions d'habitants, a des airs de petite ville calme. D'un coup, elle semblait être devenue comme le centre du monde. Je ne suis d'ordinaire pas agoraphobe, mais j'ai eu peur, coincé au milieu de milliers de têtes, ne voyant dépasser de la foule que l'immense pyramide de verre qui faisait son grand show. J'ai vu plusieurs personnes prises de crises de folie. Une jeune fille qui, ne pouvant plus avancer, s'est mise à hurler qu'il n'y avait "plus de mur à Berlin" et que ce n'était "pas normal qu'on empêche les gens de circuler". D'autres qui sautaient des passerelles pour atteindre plus vite les meilleures places. Tous avec une bière à la main, comme il est de mise à Berlin, en toute circonstance. Effrayé, j'ai failli partir.
Je n'ai pas été étonné, le lendemain, d'apprendre que là, au milieu de la foule, un gamin de 16 ans avait donné des coups de couteau à une quarantaine de personnes. Il y avait tant de monde. Personne ne pouvait voir ou prévenir ce genre de dérives. D'autant plus que beaucoup, comme le jeune agresseur, étaient déjà sérieusement alcoolisés. J'ai été choqué, oui, mais pas surpris. Ça promet pour la fameuse Fan-Meile, la grande fête populaire qui doit marquer l'ouverture du Mondial, le 7 juin. Pour cela, la mairie a déjà bloqué toute l'avenue qui sépare la porte de Brandebourg de la Siegesäule, la colonne de la Victoire, au milieu du grand parc de Tiergarten. Là, ce ne sont pas 500 000 spectateurs, mais certainement plus d'un million qui seront au rendez-vous.