Je n'ai jamais vu autant de monde dans les rues de Berlin. Les gens errent, le regard vide. Ils se croisent silencieusement. Une petite fille blonde pleure dans le métro. Ce soir, pour la première fois depuis le début de la Coupe du monde, il n'y a pas de feu d'artifices. L'Allemagne vient de s'incliner, à l'issue du temps additionnel, face à l'Italie. Un premier but, que les Allemands ont reçu comme un coup de poignard, suivi d'un hurlement général. Puis le deuxième, deux minutes plus tard, qui a provoqué un cri d'effroi à l'échelle du pays. En l'espace de cinq minutes, tout un peuple a tiré un trait définitif sur un rêve collectif. L'Allemagne semble ce soir réagir comme si on lui arrachait un cadeau qui lui était promis d'avance. La Coupe du monde s'est envolée.
Comme à cette petite fille qui pleure, on avait peut-être oublié de dire aux Allemands que rien n'était gagné avant le coup de sifflet final de l'arbitre, le 9 juillet au soir. Partout, la bande à Ballack était déjà championne du monde. Coca-Cola avait prévenu, sur des affiches rouges et blanches géantes, que "statistiquement, l'Allemagne devient toujours championne du monde en Allemagne". Ce n'était pas faux, jusqu'à ce soir. Statistiquement aussi, l'Italie perd toujours avant la finale et l'Allemagne remporte toujours les prolongations. Jusqu'à ce soir. Demain matin, le réveil devrait être dur. Ironie du sort, le journal "Berliner Morgenpost" vient de placarder sa nouvelle campagne de publicité sur tous les murs de la ville. Son slogan : "Tous les chemins mènent à Berlin", en référence à la chanson des supporters qui voyaient déjà leur équipe en finale, dimanche. Tous les chemins, peut-être, sauf celui de Rome.